RAYONNEMENT THERMIQUE
1. Systèmes thermodynamiques
1.1. Variables d'état
1.2. Lois d'état
1.3. Transformation thermodynamique
2. Principes de la thermodynamique
2.1. Principe zéro (principe de l'équilibre thermique)
2.2. Principe premier (principe de conservation de l'énergie)
2.3. Principe deuxième (principe d'évolution)
2.4. Principe troisième (principe de Nernst)
3. Capacités calorifiques
4.1. Travail des forces mécaniques
4.2. Enthalpie
4.4. Coefficients thermoélastiques
5.1. Entropie
6.1. Énergie libre
6.2. Énthalpie libre
7. Équation de continuité
7.1. Loi de Fourier
7.2. Equation de diffusion de la chaleur
8.1. Loi de Stefan-Boltzmann
8.2.1. Première loi de Wien
8.2.2. Deuxième loi de Wien
L'étude du corps noir est à la base de la célèbre théorie de la physique quantique ondulatoire, un des piliers de la physique moderne. En effet, certains résultats expérimentaux ne pouvaient pas être expliqués sans l'introduction d'une nouvelle constante universelle : la fameuse constante de Planck.
Définition: Un "corps
noir"
(ou "récepteur intégral") est
défini comme un corps ayant
un "coefficient d'absorption énergétique"
et un "coefficient d'émissivité"
égaux
à l'unité (cf. chapitre d'Optique Géométrique)
Le premier principe de la thermodynamique établit une équivalence entre le travail et chaleur comme modes de transfert d'énergie entre un système et son environnement (et en fait le bilan au niveau de l'énergie interne). Nous nous intéressons ici à la chaleur, que nous pouvons définir comme "l'énergie qu'un corps communique à un autre à cause de leur différence de température".
La chaleur se communique d'un endroit à un autre de trois manières différentes comme nous en avons déjà fait mention plus haut :
1. Par conduction: c'est un transfert de chaleur dans ensemble de points matériels en contacts qui se fait sans mouvements macroscopiques, sous l'influence d'un gradient de température. La conduction est donc le résultat de collisions moléculaires. Nous l'observons principalement dans les solides: dans les métaux, elle fait intervenir les électrons libres qui les rendent bons conducteurs de chaleur. En revanche, dans les isolants, la conduction se fait mal. De là la forte correspondance entre les propriétés thermiques et électriques des solides.
2. Par convection: la convection implique le transport de la chaleur par une partie d'un fluide qui se mélange avec une autre particule. Elle prend sa source dans un transport macroscopique de matière et ne concerne donc pas les solides.
3. Par rayonnement: la conduction et la convection supposent la présence de matière. Le rayonnement, lui, permet un transfert d'énergie qui peut s'effectuer à travers le vide. Il s'agit ici de rayonnement électromagnétique. Soulignons que le rayonnement n'est pas un mode de transfert de chaleur mais d'énergie, celle-ci pouvant se transformer en chaleur au contact d'un corps.
Le rayonnement thermique émis par un corps porté à une certaine température résulte d'une conversion de l'énergie interne du corps en rayonnement. Inversement, l'absorption est la transformation de l'énergie incidente en énergie interne.
Lorsqu'une surface est soumise à un rayonnement absorbée, nous effectuons le bilan d'énergie selon la loi de Kirchhoff vue en photométrie :
(33.213)
où rappelons-le quand même,
est
la fraction du rayonnement absorbée,
est
la partie réfléchie (diffusée) et
la
partie transmise (qui traverse la surface). Ce bilan résulte du
principe de la conservation de l'énergie.
Nous allons maintenant nous pencher sur les mécanismes d'absorption et d'émission et établir un lien entre chaleur et énergie rayonnante avant de nous intéresser directement au corps noir :
LOI DE STEFAN-BOLTZMANN
Nous avions défini lors de notre étude de la photométrie (cf. chapitre d'Optique Géométrique) le concept d'émittance (énergie irradiée par un corps non ponctuel par unité de surface) pour l'ensemble du spectre.
Ce que nous avions omis de préciser cependant, c'est que pour qu'un corps rayonne (outre le fait qu'il puisse être lui-même éclairé par un autre corps) il faut qu'il soit chauffé (que l'on fournisse une énergie d'excitation aux constituants au corps en question - sous-entendu aux électrons).
Donc nous devrions pouvoir établir une relation entre la température d'un corps et son émittance.
En 1879, le physicien autrichien
Stefan a pu établir expérimentalement que l'émittance totale du
corps noir à une température T augmentait
proportionnellement à la quatrième puissance de la température tel
que :
(33.214)
où M(T) est
l'intégration sur toutes les longueurs d'onde (ou les fréquences...
peu importe) de :
(33.215)
avec donné
par la loi de Planck que nous déterminerons plus tard.
Rappelons également que (ceci sera démontré lors de notre démonstration de la loi de Planck) :
(33.216)
est la "constante de Stefan".
En 1884, Boltzmann à démontré indirectement la loi de Stefan en se basant sur l'étude du corps noir à l'équilibre thermique (où nous considérons que les bords de la paroi du corps noir définissent les terminaisons des ondes électromagnétiques) à partir de la théorie de l'électromagnétisme et d'un raisonnement thermodynamique.
Dans un premier temps, Boltzmann a déterminé qu'elle était la pression de radiation du rayonnement dans une telle enceinte (ou dans un tel corps).
Voici les développements
qui l'ont mené à déterminer la pression de radiation P(T) à
la température d'équilibre thermodynamique T pour
la densité interne d'énergie correspondante
:
Rappelons l'expression de la "relation d'Einstein" que nous avons démontrée lors de notre étude de la relativité restreinte :
(33.217)
Considérons maintenant une enceinte de volume V dont les parois sont réfléchissantes pour les photons (cas du corps noir). Nous étudions la variation de la quantité de mouvement avant et après la collision sur une surface infiniment petite ds (ce qui permet de considérer les trajectoires avant et après le choc comme rectilignes et symétriques par rapport à l'axe orienté OX perpendiculaire à la surface du corps noir et coïncidant avec la surface ds).
Ainsi, nous avons avant collision pour la quantité de mouvement :
(33.218)
et après collision :
(33.219)
Si la collision est élastique (ce qui est confortant relativement au photon...) :
et
(33.220)
Nous avons alors :
(33.221)
La variation de la quantité de mouvement est alors :
(33.222)
Comme :
(33.223)
nous avons alors :
(33.224)
En ne considérant que la norme de l'expression et qu'il s'agit d'un photon :
(33.225)
Jusqu'à présent, nous avons
raisonné sur un photon mais l'enceinte contient un gaz de photons.
L'énergie interne volumique du
rayonnement contient une densité volumique u de
photons de fréquence identique v égale
à :
(33.226)
Nous considérons que pendant
un intervalle de temps dt,
le nombre de photons pouvant potentiellement frapper la surface
ds sous
un angle d'indice est
contenu dans un cylindre de génératrice cdt dont
l'axe est incliné nécessairement d'un angle
et
ayant comme surface de base ds.
Le volume de ce cylindre est par la projection de la surface
de
base :
(33.227)
Le nombre de photons pouvant
potentiellement heurter la paroi ds par
unité de temps est :
(33.228)
Dans cette dernière expression,
nous avons supposé que tous les photons de dV avaient
une quantité de mouvement dans la direction sous tendue par .
En réalité, les photons arrivant réellement sur ds sont
contenus dans un angle solide
entre
deux cônes de demi-angle au sommet
et
(pour
des raisons de géométrie de l'expérience du corps noir qui était,
sauf erreur, sphérique et par ailleurs cette symétrique sphérique
facilite les calculs...).
La relation entre et
est
comme nous l'avons vu en trigonométrie (cf.
chapitre de Trigonométrie)
:
(33.229)
Sachant que dans le volume entier (rappel), l'angle solide vaut :
(33.230)
Le nombre dn compris
dans l'angle solide élémentaire qui
parvient sur la surface ds sous
un angle d'incidence compris entre
et
est
alors :
(33.231)
Soit maintenant la définition de la pression P :
(33.232)
en substituant ce qu'il convient :
(33.233)
Ce qui donne après simplification :
(33.234)
La pression totale de radiation dans ce cas particulier étant donnée par :
(33.235)
Ce qui est équivalent à écrire (à l'équilibre thermodynamique pour une température donnée) :
(33.236)
L'énergie totale est la densité d'énergie multipliée par le volume considéré :
(33.237)
Supposons que ce volume puisse varier. Le travail de la pression de radiation lors d'une dilatation dV du volume est :
(33.238)
La variation d'énergie interne du système en vertu du premier principe de la thermodynamique est :
(33.239)
Or d'après ,
nous avons :
(33.240)
d'où :
(33.241)
et selon le deuxième principe de la thermodynamique (ne pas confondre la notation avec la surface...) :
(33.242)
Nous avons :
(33.243)
Comme dS est une différentielle totale, nous avons dans ce cas:
(33.244)
Ce qui nous amène à écrire :
(33.245)
En calculant la dérivée du membre de droite :
(33.246)
En simplifiant :
(33.247)
ce qui s'écrit encore :
(33.248)
Soit :
(33.249)
qui devient l'équation :
(33.250)
Ce qui donne après intégration :
(33.251)
Finalement :
(33.252)
avec :
(33.253)
étant la constante de Stefan-Boltzmann dont la valeur avait été donnée à l'époque dans un premier temps expérimentalement.
Nous voyons ci-dessus la correspondance qu'il y a entre la relation que nous avons posé au début et celle que nous venons d'obtenir :
et
(33.254)
Comme nous n'avons pas encore, à ce point, démontré la loi de Planck, nous pouvons faire un raisonnement osé mais que nous justifierons par la suite avec démonstration à l'appui.
M(T) et
sont
différenciées au niveau des unités par les dimensions d'une vitesse.
Or, intuitivement et grossièrement (...), la vitesse qui peut tout
de suite nous apparaître comme triviale dans ce cas d'étude
est la vitesse de la lumière c.
Ainsi, nous remarquons que :
(33.255)
Ce qui nous donne :
(33.256)
Curieux n'est-ce pas... mais nous le démontrerons plus loin car notre philosophie sur ce site est de ne jamais (ou le moins possible) laisser place à l'intuition.

Considérons maintenant une chambre ou cavité isolée (comme une fournaise) en équilibre thermique à une certaine température T. Cette cavité sera sûrement remplie de rayonnement électromagnétique de différentes longueurs d'onde. Supposons qu'il existe une fonction de distribution M(T) dépendant uniquement de la température.
Logiquement, la quantité totale d'énergie électromagnétique, à toutes les longueurs d'onde, absorbée par les murs de la cavité doit être égale à celle émise par les murs autrement le corps formant la cavité verrait sa température changer. Kirchhoff raisonna que si le corps formant la cavité est fait de différents matériaux (se comportant donc de façon différente avec la température), l'équilibre entre radiation émise et radiation absorbée doit s'appliquer alors pour chaque longueur d'onde (ou domaine de longueur d'onde).
Nous voyons ainsi que M(T) est
une fonction universelle, la même pour toutes les cavités sans égard
à leur composition, leur géométrie ou la couleur de leur paroi.
Kirchhoff ne donna pas cette fonction mais il fit remarquer qu'un
corps parfaitement absorbant, c'est-à-dire un corps pour lequel
apparaîtra (façon de dire...) noir.
Il vient alors que le rayonnement emmagasiné en équilibre dans une cavité isolée en équilibre thermodynamique (comme le sont les étoiles) est à tous égards la même que celle émise par un corps parfaitement noir à la même température.
Evidemment, si la cavité est fermée, nous ne pouvons pas mesurer le courant d'énergie qui s'en échappe. Mais pratiquons un tout petit trou dans cette cavité (suffisamment petit pour ne pas perturber l'équilibre du rayonnement électromagnétique à l'intérieur), alors l'énergie électromagnétique s'échappant de ce petit trou est la même que celle émise par un corps parfaitement noir.
Cependant, aucun objet n'est
réellement un corps noir. Le noir de charbon a un coefficient
d'absorption très près de 1 mais seulement pour certaines fréquences
(incluant, bien sûr, le visible). Son coefficient d'absorption
est beaucoup plus petit dans l'infrarouge lointain. Tout de
même, la plupart
des objets s'approchent dans certaines gammes de fréquence. Le
corps humain, par exemple, est presque un corps noir dans l'infrarouge
(d'où les lunettes de nuit militaires...). Pour traiter les différents
corps, appelés "corps gris",
nous introduisons un facteur appelé "émissivité totale", ,
qui relie l'émittance émise par le corps à celle émise par un
corps noir parfait pour lequel
.
Nous avons donc :
(33.257)
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