MÉTRIQUES
1. Postulats et principes
1.1. Postulat d'équivalence
1.2. Principe de Mach
2.1. Critère de Schild
2.1.1. Effet Einstein
3.2. Limite newtonienne
4. Tenseur d'énergie-impulsion
5. Equation d'Einstein des champs
6.1. Métrique de Schwarzschild
6.2. Rayon de Schwarzschild
7. Vérifications expérimentales
7.1. Précession du périhélie de Mercure
7.3. Effet Shapiro
7.4. Trous Noirs
Einstein supposa donc que la gravitation n'était que la manifestation de déformations de l'espace-temps. Pour tenter d'illustrer de façon simpliste mais très imagée l'idée d'Einstein, considérons une roue dentée roulant à vitesse constante (disons une dent à la seconde) sur une crémaillère. Imaginons que nous ayons le pouvoir de modifier simultanément le pas de la crémaillère et celui de la roue quand et où nous le désirons. Faisons alors en sorte que le pas de la crémaillère augmente légèrement d'une dent à l'autre. Pour des observateurs fixes la roue est alors animée d'un mouvement uniformément accéléré car, en effet, à chaque tour celle-ci parcourt une distance toujours plus grande. En revanche, si l'on choisit la crémaillère comme référentiel et le pas de celle-ci comme étalon de mesure, le mouvement de la roue est alors uniforme (une dent par seconde). L'accélération de la roue est la conséquence de l'augmentation du pas de la crémaillère.
Poursuivons l'analogie : le pas de la crémaillère joue le rôle d'étalon de mesure local dans notre espace à une dimension que constitue la crémaillère. En géométrie, il porte le nom de "métrique". La métrique est ce qui permet de déterminer la distance entre deux points, elle représente en quelque sorte l'étalon infinitésimal d'un espace. En géométrie euclidienne la métrique est une constante ce qui nous permet de créer des étalons de mesure universels. Bernhard Riemann, inventa une géométrie où la métrique peut varier d'un point à un autre de l'espace, ce qui lui permit de décrire des espaces courbes comme la surface d'une sphère par exemple (cf. chapitre de Géométries Non-Euclidiennes).
Lors de notre étude du calcul tensoriel, des géométries non-euclidiennes et de la géométrie différentielle, nous avons vu que la mesure de la distance ds entre deux points positionnés dans un espace à deux ou trois dimensions peut s'effectuer au moyen d'un grand nombre de système de coordonnées par "l'équation métrique" (cf. chapitre de Calcul Tensoriel) :
(50.6)
Exemples:
E1. Les coordonnées
rectangulaires (dans )
:
(50.7)
Si la distance au carré satisfait à cette relation alors nous sommes dans un espace plat (cf. chapitre de Géométries Non-Euclidiennes).
E2. Les coordonnées polaires
(dans )
:
(50.8)
d'où:
(50.9)
d'où:
(50.10)
Si la distance au carré satisfait à cette relation alors nous sommes dans un espace plat (cf. chapitre de Géométries Non-Euclidiennes).
E3. Les coordonnées cylindriques pour lesquelles nous avons :
(50.11)
à remplacer dans nous obtenons de façon quasiment identique à précédemment:
(50.12)
Si la distance au carré satisfait à cette relation alors nous sommes dans un espace plat (cf. chapitre de Géométries Non-Euclidiennes).
E4. Les coordonnées sphériques
(dans
)
pour lesquelles nous avons :
(50.13)
à remplacer dans nous obtenons :
(50.14)
Petit rappel préalable:
(50.15)
Donc:
(50.16)
Après une première série de mise en commun et de simplifications élémentaires des termes identiques, nous obtenons:
(50.17)
Si la distance au carré satisfait à cette relation alors nous sommes dans un espace courbe (de type sphérique) mais qui localement peut être plat (cf. chapitre de Géométries Non-Euclidiennes).
Jusque là, vous vous demandez peut-être où nous voulons en venir. Au fait, nous cherchons à définir à partir des ces relations, un être mathématique qui en concordance avec l'hypothèse d'Einstein, exprime les propriétés géométriques d'espaces donnés.
Comment allons-nous faire? : Nous allons
d'abord changer d'écriture tout simplement. Au lieu d'utiliser
les symboles nous
allons écrire
.
Attention! Les chiffres en suffixes ne sont pas des puissances.
Ce sont des valeurs muettes qui sont là uniquement pour symboliser
la x-ème
coordonnée d'un repère donné.
Ecrivons maintenant à nouveau nos équations métriques avec cette nouvelle notation :
- Coordonnées rectangulaires:
(50.18)
- Coordonnées polaires:
(50.19)
- Coordonnées cylindriques:
(50.20)
- Coordonnées sphériques:
(50.21)
Maintenant rappelons encore une fois que le "tenseur métrique" (nommé ainsi car il étalonne l'espace-temps) noté :
(50.22)
intervient dans l'équation métrique de la manière suivante :
(50.23)
et remarquez que les composantes de la matrice sont sans dimensions aussi.
Cet être mathématique qui est un tenseur contient donc les paramètres de la courbure (nous disons parfois aussi de la "contrainte" ou de la "tension") dans lequel un espace se trouve. Mais alors que contient le tenseur métrique d'espace-temps pour un espace euclidien plat?:
Selon la convention d'écriture
de sommation d'Einstein (cf. chapitre de
Calcul Tensoriel) par exemple,
pour nous
avons:
(50.24)
Donc si nous revenons à notre
tenseur pour l'espace euclidien plat nous savons déjà (cf.
chapitre de Calcul Tensoriel) que m et n vont
de 1 à 3 et
que nous avons dans notre tenseur pour
et
pour
(tenseur symétrique). Donc:
(50.25)
Ainsi :
(50.26)
Ce résultat est remarquable car le tenseur métrique va nous permettre donc de définir les propriétés d'un espace à partir d'un simple être mathématique facilement manipulable formellement.
En coordonnées polaires le tenseur
s'écrit:
(50.27)
Vérification:
(50.28)
En coordonnées cylindriques le
tenseur s'écrit:
(50.29)
La vérification ne se fait même plus tellement le résultant est évident.
En coordonnées sphériques le tenseur
est
un peu plus complexe et s'écrit:
(50.30)
La vérification ne se fait même plus tellement le résultant est évident.
En relativité restreinte, nous avons vu que les notions d'espace et de temps étaient implicitement liées. Ainsi, pour étudier la physique (cela intéresse peu le mathématicien), nous avons besoin d'ajouter à notre tenseur métrique la composante du temps pour obtenir ce que nous appelons le "tenseur métrique d'espace-temps".
Pour déterminer l'écriture de ce tenseur, nous allons nous placer dans un premier temps dans un espace de Minkowski où nous avions rappelons-le (cf. chapitre de Relativité Restreinte) :
(50.31)
qui est donc l'intervalle infinitésimal d'espace-temps entre deux événements infiniments voisins (ou considérés comme tel à une certaine échelle...).
Ainsi, en posant:
(50.32)
Nous avons:
(50.33)
avec la "signature" :
(50.34)
Nous verrons par la suite d'autres métriques beaucoup moins intuitives une fois que nous aurons démontré bien plus loin l'équation d'Einstein des champs.
CRITÈRE DE SCHILD
Nous allons maintenant voir que pour étudier la gravitation, la géométrie courbe est nécessaire après quoi (il nous faudra démontrer l'équation des géodésiques avant!) nous montrerons qu'elle est également suffisante. Nous verrons que la gravitation telle qu'elle est formulée en mécanique newtonienne est entièrement descriptible à partir d'une formulation de courbure de l'espace-temps.
Imaginons d'abord une tour
d'une très grande hauteur h construite à la
surface de la Terre. Un homme A se trouve au pied de
la tour, et envoie un signal de pulsation
à son collègue B situé en haut de la
tour. Il se trouve, et nous allons de suite le démontrer,
que la pulsation
de l'onde reçue par B diffère de
selon:
(50.35)
où:
(50.36)
Ce décalage des pulsations (respectivement fréquences) dans un champ gravitationnel est ce que nous appelons "l'effet Einstein", ou encore "redshift gravitationnel".
Nous allons démontrer cette relation à l'aide d'arguments classiques et connus maintenant.
Un corps matériel
envoyé du sol vers le ciel doit lutter contre la force de
gravitation qui l'attire vers le bas. Il perdra donc une certaine
quantité d'énergie, équivalent à l'énergie
potentielle gravitationnelle gagnée durant le trajet. L'énergie
du corps au niveau du sol est donc son énergie de masse à
laquelle s'ajoute l'énergie potentielle à la hauteur
de la tour :
(50.37)
L'énergie de ce corps une fois arrivé en haut de la tour est simplement son énergie de masse :
(50.38)
car il a dû dépenser la quantité d'énergie mgh durant le trajet. Le rapport des énergies est alors :
(50.39)
Ce rapport étant indépendant
de la masse, on peut prendre la limite
afin d'avoir la relation pour le photon. Nous obtenons alors :
(50.40)
ce qui implique:
(50.41)
Nous allons maintenant étudier ce phénomène dans le cadre de l'espace-temps de Minkowski. Nous verrons apparaître une contradiction, ce qui motivera le passage vers un espace-temps de courbe : c'est l'argument en faveur d'une géométrie courbe qui a été utilisé par Schild.
Considérons à
nouveau le schéma d'expérience de l'homme A
qui envoie une onde vers son ami B. Soit
le temps mis par A pour émettre exactement 1 cycle
de l'onde (cf. chapitre de Mécanique
Ondulatoire) :
(50.42)
et
le temps mis par B pour recevoir ce cycle :
(50.43)
A cause de l'effet Einstein,
nous savons que
et donc
en temps propre ! Soit en le temps passe plus lentement pour
quelqu'un au sol (A) qu'une autre personne en haute
d'une montagne (B)!
Mais comme nous sommes en
géométrie plate et que le champ gravitationnel est
supposé statique, nous en déduisons que les trajectoires
d'espace-temps décrites par les signaux doivent être
parallèles. Ceci mène à la conclusion que l'intervalle
de temps propre serait
(selon la relativité restreinte).
Si nous optons pour un espace courbe, nous pouvons préserver
la relation ,
c'est-à-dire le fait que le temps avance plus lentement pour
A que pour B. Ceci se traduit simplement par le fait
qu'en géométrie courbe, le temps propre (!) d'un observateur
dépend de la métrique.
Les mêmes développements peuvent être faits en assimilant l'expérience précédente à un train qui se déplace avec une accélération constante g. L'observateur A se trouve dans le compartiment arrière (équivalent au sol de la Terre dans l'expérience précédente) et envoie une onde à son collègue B situé à l'avant du train (à une distance h).
L'observateur B reçoit l'onde après un temps
.
Durant ce laps de temps, le train a accéléré,
et sa vitesse a augmenté d'une valeur
.
Par conséquent, l'onde perçue par B sera
altérée
par l'effet Doppler conventionnel (cf. chapitre
de Mécanique Ondulatoire) :
(50.44)
Nous retrouvons le résultat initial de l'effet Einstein en écrivant simplement :
(50.45)
ce qui donne glorieusement :
(50.46)
Nous retrouvons plus souvent cette relation sous la forme ci-dessous dans la littérature en utilisant les relations entre pulsation et fréquence et la force de gravitation de Newton pour expliciter g et en posant h comme valant 1:
(50.47)
Nous retrouvons également cette dernière relations sous la forme condensée suivante:
(50.48)
Le même résultat peut être obtenu en utilisant la métrique de Schwarzschild (voir plus loin) d'où le nom de cet effet qui peut aussi être obtenu à partir des outils de la relativité générale d'Einstein. Nous démontrerons simplement plus tard à l'aide de cette métrique que le temps s'écoule effectivement moins vite dans un champ gravitationnel (hypothèse que nous avons faite quelques paragraphes plus haut).
Nous voyons dans tous les cas que puisque
le terme de droite est positif et non nul. Cela signifie simplement
que l'onde électromagnétique en analogie au spectre des couleurs
se décale vers le rouge. Ainsi, l'effet Einstein est bien un redshift
gravitationnel.
La différence de fréquence est très faible et par conséquent difficilement mesurable même avec les meilleurs spectroscopes. La moindre perturbation peut totalement masquer l'effet Einstein. Il faudra véritablement attendre 1960 pour que l'expérience de Pound et Rebka permette de mesurer un décalage de fréquences avec une précision de 1% ne laissant dès lors plus aucun doute quant à la réalité du phénomène.
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