DÉFLÉXION DE LA LUMIERE
1. Postulats et principes
1.1. Postulat d'équivalence
1.2. Principe de Mach
2.1. Critère de Schild
2.1.1. Effet Einstein
3.2. Limite newtonienne
4. Tenseur d'énergie-impulsion
5. Equation d'Einstein des champs
6.1. Métrique de Schwarzschild
6.2. Rayon de Schwarzschild
7. Vérifications expérimentales
7.1. Précession du périhélie de Mercure
7.3. Effet Shapiro
7.4. Trous Noirs
Nous avons donc montré que :
(50.401)
en remplaçant les facteurs par leurs valeurs respectives nous avons :
(50.402)
Mais nous avons vu plus haut que :
(50.403)
et comme K est la constante des aires donnée par la conservation du moment cinétique lui-même constant (cf. chapitre de Mécanique Classique) :
(50.404)
Nous avons alors pour un photon .
Finalement l'équation du mouvement d'un photon se résume à :
(50.405)
Posons maintenant pour simplifier les notations :
(50.406)
alors :
(50.407)
Le terme à droite de l'égalité est petit (vu les constantes qui y interviennent...) si bien qu'une forme approchée de l'équation différentielle est :
(50.408)
Dont une solution particulière est qui ne le savons d'avance est intéressante :
(50.409)
Nous portons cette solution approximée dans l'équation différentielle initiale et nous obtenons :
(50.410)
Soit :
(50.411)
Soit :
(50.412)
La suite va être très subtile (comment deviner quelque chose comme cela...?). D'abord nous allons créer une nouvelle équation différentielle:
(50.413)
L'astuce consiste à multiplier cette équation par i et la sommer à l'équation différentielle d'origine :
(50.414)
Ce que nous noterons :
(50.415)
L'astuce est de chercher une solution particulière de la relation précédente sous la forme :
(50.416)
Nous avons alors :
(50.417)
Ceci injecté dans notre nouvelle équation différentielle donne :
(50.418)
Nous en déduisons immédiatement :
(50.419)
Une solution particulière de l'équation différentielle d'origine est donc :
(50.420)
Soit en utilisant les relations trigonométriques remarquables :
(50.421)
Il vient :
(50.422)
La solution générale est finalement :
(50.423)
Si nous admettons que la lumière est très faiblement déviée par le Soleil, le rayon de courbure (1/r) de sa trajectoire sera très faible.
Ainsi :
(50.424)
tel que :
(50.425)
Le premier terme est prédominant par rapport au deuxième à cause
du facteur qui
est très petit sur le deuxième. Pour la suite, nous procédons
comme dans le chapitre d'Astronomie (juste les notations changent)
pour
lors de l'étude de l'angle de déflexion (si vous n'y revenez pas
vous ne pourrez comprendre la justification de ce qui va être
fait!). Nous posons sans perdre en généralité que :
(50.426)
Soit :
(50.427)
et comme :
(50.428)
il vient :
(50.429)
En utilisant les relations trigonométriques à nouveau :
(50.430)
Il vient :
(50.431)
étant
supposé très petit nous faisons un développement de MacLaurin
(cf. chapitre de Suites Et Séries)
au premier ordre des fonctions trigonométriques :
(50.432)
Ce qui donne :
(50.433)
Donc après une série d'approximations... et d'hypothèses limites acceptables nous arrivons à :
(50.434)
au lieu du résultat que nous avions obtenu selon l'approche newtonienne dans le chapitre d'Astronomie:
(50.435)
Nous trouvons donc le facteur 2 qui faisait défaut au traitement classique du problème, relativement aux mesures expérimentales, que nous avons vu dans le chapitre d'Astronomie.
(50.436)
Cette déviation a pu être mise en évidence en mesurant la position des étoiles au voisinage du disque solaire lors de l'éclipse de 1919 par Arthur Eddington et son équipe. Après l'avance du périhélie de Mercure, il s'agissait du second test passé avec succès par la Relativité Générale. C'est cet événement qui a rendu Albert Einstein célèbre auprès du grand public. Aujourd'hui, la déviation des rayons lumineux a pu être mesurée avec beaucoup plus de précision en considérant les signaux radio émis par des sources extragalactiques (quasars, AGN, etc...) : la prédiction de la Relativité Générale a été confirmée au millième près.
La déviation des rayon lumineux est aujourd'hui
très importante en cosmologie observationnelle,
puisqu'elle est a l'origine du phénomène de mirage
gravitationnel, encore appelée "lentille
gravitationnelle".
Il est intéressant de remarquer que toute
la théorie des mirages gravitationnels est basée
sur la relation:
(50.437)
du moins pour un détecteur ponctuel. C'est le seul ingrédient de Relativité Générale utilisé dans le calcul des images.
EFFET SHAPIRO
En 1964, Shapiro démontra qu'un rayon lumineux n'était pas seulement dévié en passant près d'une masse, mais également que la durée de son trajet était allongée par rapport à une géométrie euclidienne. Il calcula que le retard devait atteindre environ 200 microsecondes, donc parfaitement mesurable, pour une ligne de visée rasant le Soleil. Il suggéra alors de mesurer systématiquement la durée mise par un signal radar pour effectuer le trajet aller-retour entre la Terre et une planète passant derrière le Soleil (pour que l'effet soit maximal). Cela fut d'abord accompli avec des échos radar sur Mars, Vénus ou Mercure, avec une précision de l'ordre de 20%. Le résultat est très net : la durée nécessaire à un signal radar pour faire l'aller-retour Terre-Planète augmente brutalement juste avant que la planète passe derrière le Soleil et diminue tout aussi brutalement quand celle-ci réapparaît.
Remarque: Nous parlons parfois de ralentissement de la lumière près du Soleil pour décrire l'effet Shapiro mais c'est une expression maladroite et erronée. Comme cela a déjà été mentionné, la vitesse de la lumière est constante en relativité générale aussi bien qu'en relativité restreinte. Dans le cas de l'effet Shapiro (et dans d'autres cas similaires), ce qui change c'est l'écoulement du temps là où passe la lumière, par rapport à ce qu'il est là où se situe l'observateur.
Bien qu'il s'agisse d'un effet faible, on a pu le vérifier très précisément depuis l'arrivée des sondes Viking sur Mars en 1976, à l'aide de signaux envoyés depuis la Terre vers Mars et réfléchis sur cette dernière par les sondes (voir le principe de l'expérience sur la figure suivante). En outre, il existe même désormais un objet de plus en plus courant pour le fonctionnement duquel l'effet Shapiro doit être pris en compte : le "G.P.S." (Global Positioning System). En effet, malgré la faiblesse du champ de gravitation terrestre, une précision géographique de quelques mètres nécessite de tels détails dans les calculs. Toutefois, un satellite a été lancé récemment dont le but est de vérifier, dans le champ de gravitation terrestre, un effet encore plus faible prédit par la relativité générale et qui n'intervient même pas dans le GPS : l'entraînement de l'espace-temps, aussi nommé "effet Lense-Thirring".
Signalons pour le GPS que deux phénomènes d'erreur sont connus dans le cadre de la relativité:
1. Les satellites tournent autour de la Terre à une vitesse approximative de 20'000 kilomètres par heure retardent alors de 7 millionièmes de seconde par jour (relativité restreinte).
2. A l'altitude de 20'200 kilomètres, celle de l'orbite des satellites, le champ gravitationnel plus faible fait avancer les horloges satellitaires de 45 millionièmes de seconde par jour.
La somme des deux corrections donne une dérive de 38 millionièmes de seconde par jour, un chiffre ahurissant pour un système GPS dont la précision se doit d'être de 50 milliardièmes de seconde par jour.
Faisons le calcul pour un rayon frôlant la surface du Soleil. Pour cela, nous reprenons notre métrique de Schwarzschild :
(50.438)
avec :
(50.439)
Pour un photon, nous savons que et
donc l'équation de la métrique de Schwarzschild s'écrit alors :
(50.440)
La trajectoire du photon ayant lieu dans le plan équatorial du Soleil, nous posons :
(50.441)
ce qui simplifie encore l'équation de la métrique en :
(50.442)
Pour simplifier encore plus nous faisons l'hypothèse (surprenante!) que la trajectoire (en coordonnées polaires) du photon rasant le Soleil est rectiligne telle que (pour une des composantes polaires du plan):
(50.443)
où est
le rayon du Soleil. Nous allons utiliser cette hypothèse
pour simplifier l'équation de la métrique.
Pour cela nous réarrangeons :
(50.444)
Nous dérivons (cf. chapitre de Calcul Différentiel Et Intégral) :
(50.445)
Si nous mettons le tout au carré :
(50.446)
d'où :
(50.447)
Nous pouvons maintenant récrire l'équation de la métrique :
(50.448)
En prenant la racine :
(50.449)
Etant donné que et
que
alors
:
(50.450)
Dès lors nous avons en utilisant les développements de MacLaurin (cf. chapitre de Suites Et Séries) au premier ordre :
(50.451)
Nous avons alors :
(50.452)
Nous avons finalement une fois condensé :
(50.453)
Ce qu'il est de tradition de noter (nous sortons le 1/c des différents termes) :
(50.454)
S'il n'y pas de masse alors l'espace-temps est plat et .
Dès lors :
(50.455)
Nous pouvons ainsi distinguer le temps classique du temps supplémentaire engendré par l'espace courbe. Le "retard" sera donc donné par :
(50.456)
Ensuite, pour intégrer les quatre fonctions de r il faut
se placer dans un référentiel placé si possible au centre de l'astre
principal (le Soleil typiquement) puisque la métrique de Schwarzschild
est basée sur cette hypothèse pour rappel... Ainsi, pour connaître
le retard d'un rayon lumineux partant du Soleil jusqu'à la Terre,
nous choisirons logiquement comme rayon de départ celui du Soleil
lui-même ()
et comme rayon d'arrivée, la distance Soleil-Terre (
).
(50.457)
Bon ceci dit c'est bien joli de connaître les notations d'usage mais c'est encore mieux de faire une application numérique! Nous allons donc déterminer la primitive de chacun des termes ci-dessous:
(50.458)
Les deux premières primitives sont simples car il s'agit de primitives usuelles démontrées dans le chapitre de Calcul Différentiel et Intégral:
(50.459)
où pour la dernière primitive nous avons préservé la constante
d'intégration (contrairement à ce qui a été fait dans le chapitre
de Calcul Différentiel et Intégral car ).
Maintenant il nous reste les deux dernières intégrales. Commençons dans l'ordre par:
(50.460)
En posant:
(50.461)
et en utilisant les résultats démontrés dans le chapitre de Calcul Différentiel et Intégral nous avons alors:
(50.462)
Puisque nous avons (cf. chapitre de Trigonométrie):
(50.463)
Alors:
(50.464)
Enfin, il reste la dernière primitive:
(50.465)
Nous posons pour la suite:
(50.466)
Il vient alors:
(50.467)
Dans le chapitre de Calcul Différentiel et Intégral nous avons démontré que:
(50.468)
et que :
(50.469)
Donc:
(50.470)
Pour revenir à l’intégrale du début on se rappelle que .
Donc:
(50.471)
Nous avons donc au final:
(50.472)
Nous voyons dans le cas limite Newtonien où ,
nous avons:
(50.473)
Donc pour un aller-retour (entre planète et satellite par exemple), il vient alors dans ce cas simplifié:
(50.474)
TROUS NOIRS
En restant toujours à notre métrique de Schwarzschild....Une trajectoire radiale de type lumière implique:
(50.475)
donc:
(50.476)
et dans un trajectoire radiale directe (par définition) nous avons aussi:
et
(50.477)
donc:
(50.478)
Dès lors:
(50.479)
Il vient alors:
(50.480)
D'où:
(50.481)
Posons en unités naturelles .
Il vient alors:
(50.482)
Lorsque le
membre de droite de l'égalité tend vers
,
donc l'évolution du temps t (observateur extérieur)
en fonction de r tend vers l'infini par rapport au temps
propre de la lumière.
La sphère donnée par le rayon:
(50.483)
définit "l'horizon du Trou Noir de Schwarzschild".
Vers cette frontière limite, la lumière semble mettre un temps infini par rapport à un observateur extérieur à se déplacer lorsqu'elle approche un Trou Noir. Elle ne parvient donc jamais vraiment à l'atteindre par rapport à l'observateur, d'où le fait que les Trous Noirs peuvent être entourés en fonction de leur environnement d'un halo lumineux aux abords du rayon de Schwarzschild. De plus, puisque le temps semble arrêté, la fréquence de la lumière environnant le Trou Noir a une fréquence qui tend vers zéro et tend vers l'infra-rouge.
Signalons encore un point très important. Avant Einstein, la géométrie était considérée comme partie intégrante des lois. Einstein a montré que la géométrie de l'espace évolue dans le temps selon d'autres lois, encore plus profondes. Il est important de bien comprendre ce point. La géométrie de l'espace ne fait pas partie des lois de la nature. Par conséquent, rien que nous puissions trouver dans ces lois ne dit ce qu'est la géométrie de l'espace. Ainsi, avant de commencer à résoudre les équations de la théorie générale de la relativité d'Einstein, nous n'avons strictement aucune idée de ce qu'est la géométrie. Nous la découvrons seulement une fois les équations résolues.
Cela signifie que les lois de la nature doivent s'exprimer sous une forme qui ne présuppose pas que l'espace ait une géométrie fixe. C'est le coeur de la leçon einsteinienne. Cette forme se traduit en un principe appelée "indépendance par rapport au fond". Ce principe énonce dont que les lois de la nature peuvent être décrites dans leur totalité sans présupposer la géométrie de l'espace.
In extenso, le choix des quatre dimensions fait partie du fond. Serait-il possible qu'une autre théorie plus profonde ne nécessite pas présupposer le nombre de dimensions?
En résumé, l'idée de l'indépendance par rapport au fond, dans sa formulation la plus générale est une façon sage de faire de la physique: faite de meilleures théories, dans lesquelles les choses qui, avant, étaient postulées, seront expliquées en permettant à de telles choses d'évoluer dans le temps en fonction de lois nouvelles.
C'est là aussi une difficulté de la théorique quantique. Elle est dépendante de fond contrairement à la relativité générale.
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