Cours d'électrocinétique
1. Lois de Kirchoff
1.1. Lois des mailles
1.2. Lois des noeuds
2. Modèle de Drude
3.1. Résistance équivalente
3.2. Capacité équivalente
4.1. Loi de Faraday
4.1.1. Loi de Lenz
4.1.2. Inductance
5.1. Sphère, surface et vecteur d'onde de Fermi
5.2. Densité volumique d'états quasi-libres par unité d'énergie
5.3. Densité statistique non-dégénérée des porteurs négatifs
5.3.1. Semi-conducteur non-dégénéré (approximation de Maxwell-Boltzmann)
5.4. Densité statistique non-dégénérée des porteurs positifs
5.5. Bandes d'énergie (bande de conduction, bande interdite, bande de valence)
5.6. Loi d'Ohm
Le développement de l'électrodynamique a permis à une grande partie de l'humanité de modifier considérablement sa qualité de vie. Nous savons à peu près tous aujourd'hui ce que nous lui devons: lumière, frigo, radio, télévision, ordinateurs, voitures, trams, trains, avions, robots, et d'autres choses merveilleuses et parfois moins aussi...
Avant de commencer à étudier l'électrocinétique (les ingénieurs parlent "d'électronique" ou "d'électrotechnique") nous allons définir les deux lois (le terme est mal choisi puisque la première est démontrée dans le chapitre d'Électrostatique et la seconde dans le chapitre d'Électrodynamique mais bon... conformons-nous à la tradition...) fondamentales de l'étude de l'électrocinétique et la terminologie de base des circuits ou installations électriques. Même si certains éléments au début ne seront pas compris de suite par le lecteur, ceux-ci deviendront triviaux au fur et à mesure de l'avancement de sa lecture.
Définitions:
D1. Un circuit électrique est constitué d'un ensemble de dispositifs appelés "dipôles", reliés entre eux par un fil conducteur.
D2. Un "noeud" d'un circuit est une interconnexion où arrivent 3 fils ou plus.
D3. Une "branche" est un tronçon de circuit situé entre deux noeuds.
D4. Enfin, une "maille" est un ensemble de branches formant une boucle fermée.
Le dipôle est caractérisé par la réponse du courant I à une différence de potentiel U entre ses bornes : c'est à dire par la courbe caractéristique:
(38.1)
Nous verrons que dans tout conducteur, la présence d'une résistivité (voir plus loin) entraîne une chute de tension et, en toute rigueur, il en va de même pour les fils. Mais ceux-ci étant mis en série avec d'autres dipôles, nous négligeons en général dans les petits circuits la résistance des fils devant celle des dipôles présents. Donc, les fils situés entre deux dipôles d'un circuit seront supposés équipotentiels (le potentiel est le même sur les deux bornes).
LOIS DE KIRCHHOFF
Les lois de Kirchhoff en électrocinétique (à ne pas confondre avec celle de la thermodynamique et de l'optique) expriment les propriétés physique de la charge et du champ électrique et sont donc au nombre de deux (une loi pour chaque).
Elles vont nous permettre sans faire appel à l'artillerie mathématique implicitement cachée derrière d'obtenir simplement des résultats forts pertinents.
LOI DES MAILLES
La loi des mailles (implicitement il s'agit simplement de la conservation de l'énergie) exprime le fait que lorsqu'une charge parcourt un circuit fermé (chemin fermé), l'énergie qu'elle perd en traversant une partie du circuit est égale à l'énergie qu'elle gagne dans l'autre partie. Ainsi, la somme algébrique des potentiels le long d'une maille est nulle telle que :
(38.2)
Pour cela, il faut choisir arbitrairement un sens de parcours de la maille et convenir que les tensions dont la flèche pointe dans le sens du parcours sont comptées comme positives et les autres comme négatives.
LOI DES NOEUDS
La loi des noeuds (implicitement il s'agit simplement de la conservation du courant) exprime la conservation de la charge qui signifie que la somme des courants sortant d'un noeud (un noeud peut être vu comme un séparateur de lignes de champs - in extenso des volumes rattachés par une même surface) est égale à la somme des courants entrant. Autrement dit, la somme algébrique des courants est nulle en tout noeud d'un circuit tel que:
(38.3)
Pour cela, il faut choisir un signe pour les courants entrant et le signe contraire pour les courants sortant (comme nous le faisons en thermodynamique avec la masse).
MODÈLE DE DRUDE
Le modèle de Drude de la conduction électrique va nous permettre d'introduire les concepts élémentaires de l'électrocinétique. Dans un premier temps, nous allons définir dans ce qui va suivre les concepts de courant, de densité de courant et ensuite de résistance.
Un conducteur électrique
(nous ne parlons pas de semi-conducteurs ou supraconducteurs à ce
niveau du discours) peut être vu de manière très simplifiée
comme un tuyau de section contenant
un gaz d'électrons formé de n charges
élémentaires q par
unité de volume.
En absence de champ électrique, chaque électron
possède une vitesse moyenne vectorielle nulle car il reste au
voisinage de l'atome. Sous l'action d'un champ électrique homogène
et constant (cas du courant continu donc!), certains électrons
sont déplacés
dans une direction privilégiée,
jusqu'à ce qu'ils entrent en collision avec un autre atome
(aspect classique) où ils reprennent une vitesse moyenne de
dérive nulle et ainsi de suite.
C'est le modèle le plus ancien et le plus élémentaire du courant électrique. Les bases en furent jetées par Drude en 1902, peu après la découverte de l'électron par Thomson (1897). D'où le nom de "modèle de Drude".
Insuffisant pour concevoir et a fortiori développer les composants qui forment depuis la fin du 20ème siècle l'essentiel des éléments actifs utilisés en électronique, le modèle des boules de billard présente néanmoins des intérêts considérables :
- C'est un auxiliaire utile pour donner à notre esprit une image de phénomènes dont nous n'avons en fait aucune perception directe, puisqu'ils se déroulent dans l'infiniment petit
- Les résultats, pour l'ingénieur, de théories plus exactes, comme la théorie des bandes d'énergie en particulier, se laissent formuler au moyen des mêmes concepts que ceux apparaissant dans le modèle Boules de billard. Citons parmi ceux-ci le nombre volumique et la mobilité des électrons
- Tout primitif qu'il soit, ce modèle conduit à une interprétation phénoménologique intéressante des lois fondamentales telles que la loi d'Ohm ou la loi de Joule. Il lie les phénomènes microscopiques à certaines grandeurs observables.
Son nom l'indique, ce modèle assimile les électrons à de minuscules boules de billard. Ces particules sont donc des objets classiques, simplement régis par la loi de Newton et les lois de Maxwell. Cette conception corpusculaire de l'électron n'est d'ailleurs pas totalement opposée aux résultats de la mécanique quantique, dans la quelle un paquet d'ondes, peut toujours être interprété comme une particule, avec sa masse et sa vitesse (voir le théorème d'Ehrenfest dans le chapitre de Physique Quantique Ondulatoire).
Dans un millimètre cube de cuivre, nous admettrons que le nombre d'électrons est tellement élevé qu'il n'est donc alors pas question de les traiter individuellement, ce qui serait d'ailleurs sans intérêt. C'est le comportement moyen des électrons qu'il convient d'étudier. Deux types d'interactions conditionnent ce comportement, ce sont :
- l'interaction des électrons avec la matière dans laquelle ils évoluent, et dont ils font partie
- l'interaction des électrons avec les champs électromagnétiques appliqués de l'extérieur
La distance parcourue
par un électron est appelée "libre
parcours moyen de l'électron de conduction" et si
est
l'intervalle de temps entre deux collisions successives alors
nous
avons trivialement:
(38.4)
Le temps de collision est une variable aléatoire. Tous paramètres physiques restant constants, cette variable aléatoire est stationnaire, sa valeur moyenne porte le nom de "temps de collision moyen".
Nous supposons que:
(38.5)
la vitesse moyenne, est créée par l'accélération du champ électrique:
(38.6)
Nous obtenons alors la " vitesse moyenne de dérive" ou "vitesse d'entraînement" des électrons (drift velocity) donnée par:
(38.7)
Cette relation est nommée ainsi car leur vitesse initiale est due à l'agitation thermique entretenue de l'environnement extérieur et correspond à la vitesse thermique dont nous avons déterminé l'expression lors de notre étude de la distribution de Maxwell-Boltzmann dans le chapitre de Mécanique Statistique (nous en calculerons les valeurs un peu plus bas dans le présent texte).
Nous admettons donc, dans le cadre du modèle Boules de billard, que les électrons se comportent comme les atomes d'un gaz parfait. C'est une hypothèse grossière mais suffisante pour l'instant!
La vitesse moyenne est supposée identique pour tous les électrons libres lorsque le champ électrique appliqué est supposé uniforme, stationnaire, et dirigé selon un seul axe. Elle permet de définir "l'intensité" I du courant électrique dans le conducteur.
Définition: Le "courant"
ou "intensité" I mesure
la charge qui
traverse la section droite
S d'un
conducteur par unité de temps dt et
est donc donné par selon ce qui a été montré juste avant par:
(38.8)
Une
tranche de conducteur, de volume contient
donc la charge:
(38.9)
Elle traverse la section S en un temps dt, tel que:
(38.10)
Le courant s'écrit alors:
(38.11)
Si I est vu comme le flux d'une "densité de courant" J à travers la surface S, nous avons alors :
(38.12)
la densité de courant étant supposée constante sur chaque point de la surface.
Nous avons donc:
(38.13)
et après simplification:
(38.14)
qui est donc l'expression de la "densité de courant" dans le conducteur.
Comme nous connaissons l'expression de la vitesse, nous pouvons écrire:
(38.15)
En nous définissons la "conductivité" par:
(38.16)
Nous remarquons que la conductivité contient le produit du nombre volumique des électrons par leur mobilité. Il faut par conséquent que l'une au moins de ces grandeurs ait une valeur élevée pour qu'un matériau présente une haute conductivité.
La mobilité est plus grande dans les semiconducteurs que dans les métaux. Cette caractéristique est cependant complètement masquée par le rapport des nombres volumiques des électrons : n est 1'000'000 à 100'000'000 fois plus faible dans les semiconducteurs que dans les métaux, ce qui explique la conductivité supérieure de ces derniers.
Selon la relation:
(38.17)
démontrée juste plus haut, la conductivité dépendrait du champ électrique, par l'intermédiaire du temps de collision. En effet, plus le champ électrique croît, plus la vitesse des électrons augmente. La distance entre les points de chocs possibles restant la même, le temps de collision, et par conséquent la conductivité, devraient diminuer (et donc la résistance augmenter!).
Or, l'indépendance de la conductivité (et respectivement de la résistance) avec le champ électrique est un fait expérimental établi avec précision dans tous les conducteurs habituels dans des conditions normales d'utilisation civiles.
L'origine de cette contradiction réside dans la différence considérable des ordres de grandeur de la vitesse thermique donnée par la distribution de Maxwell-Boltzmann (cf. chapitre de Mécanique Statistique) :
(38.18)
et la vitesse moyenne de dérive vue plus haut:
(38.19)
avec le temps de libre parcours moyen qui sera obtenu à l'aide de l'expression:
(38.20)
Nous avons vu dans le chapitre de Mécanique Statique que pour un électron à température ambiante:
(38.21)
Et calculons la vitesse de dérive pour le cuivre avec dans ce métal:
et
(38.22)
Ce qui nous permet d'obtenir la valeur:
(38.23)
et donc:
(38.24)
En prenant ,
ce qui est à considérer comme une valeur élevée puisque ce champ
produit une densité de courant de:
(38.25)
nous avons finalement:
(38.26)
Par conséquent, même dans un fort champ électrique industriel, la vitesse de dérive est négligeable par rapport à la vitesse thermique.
Comme la vitesse thermique ne dépend que très peu du champ électrique, il s'avère qu'en pratique la vitesse des électrons est indépendante du champ électrique. En d'autres termes l'établissement d'un courant, même intense, n'a qu'une incidence absolument négligeable sur la vitesse des électrons!
Cependant un point important à constanter est de calculer le libre parcours moyen des électrons dans le modèle classique de Drude. Nous avons effectivement:
(38.27)
qui est donc très supérieur, d'au moins un ordre de grandeur (facteur 10), aux distances inter-atomiques. Il en résulte que les collisions successives sur les atomes du réseau ne sont pas responsable de la loi d'Ohm (que nous allons voir maintenant) contrairement à un des hypothèses de départ du modèle de Drude mais que ce sont les impuretés et les défaut du matérieau qui en sont responsable! Nous verrons aussi un peu plus loin qu'avec le modèle théorique des bandes d'énergie le libre parcours moyen est au fait nettement plus grand encore!
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